Je suis là, seul,
Plongé dans les vas-et vient de la solitude,
Dans les brumes profondes et laides,
Sous d'épaisses latitudes,
Imbibé de tristesse et de lassitude,
Et sur les fresques de ces murs vides,
De cette cellule galeuse et grise,
Se dessine le visage des souvenirs.
Dans cette guenille tissée par l'absence,
Avec des broderies de larmes et de mémoires,
Je titube et je flanche,
Sous ce poids trop lourd :
Un fardeau pour mes épaules.
Ma mémoire ne connait point l'Oubli,
Apôtre de l'Inoubli, elle adopte ses torrents,
Ses raz-de-marrées au ras de rocs,
Cette pierre pressante qui vous maintient au sol.
Crucifier, crucifier sur le champ,
Sur le champ de bataille,
Comme un triste soldat,
Sans amours ni familles.
Que la lune m'accompagne pour cette triste procession,
Des mes pas sur le sol, aux abîmes de ma voie,
De mes veines qui s'étirent sous ma peau en sourdine,
De mon coeur bien trop lourd, de son poids qui me pèse.
Je suis la cible aux milles fléchettes,
Un poignard en plein ventre qui assassine mon souffle,
Et ma voix, mon éternelle voix,
Qui s'accroche aux nuées, qui s'accroche aux marrées,
Dans les mats frémissants des bateaux du passés,
Laissé aux tragique destin des fantômes de la mer,
Devenus eux aussi fantôme, par d'autres fantômes d'antan.
Allez, que tout se taise, enfin,
Que l'on range ses fragments dans d'autres tiroirs,
Dans d'autres crédences, dans d'autres armoires,
Et qu'entre ses feuilles, ses poèmes froissés,
Où gisent encore, respirante malgré tout,
Le foisonnement mélancolique d'une triste rose fanée,
Qui signifiait tant dans le temps,
Qui signifie tant maintenant encore...
Que se taise ces traînées,
Qui bâtissent des barreaux,
Que se taise ce ciel gris,
Qui déchire mon coeur.