Avant de partir

Avant de partir,
J'aimerais encore voir les mouettes dans l'éclipse,
J'aimerais voir les vagues, la mer, moutonner jusqu'à moi et me faire un manteau de laine,
J'aimerais boire au fond de la jarre le limon du soleil,
Et tresser des bouquets pour un rossignol seul.


J'aimerais entendre encore,
L'angélus du matin,
Le satin des nuages,
Le parfum des abeilles,
La saveur du café.


J'aimais toucher,
La peau de ma mémoire,
La courbe de l'été,
Les lèvres de l'océan,
Les pétales du vent.


Avant de partir,
Que le ciel soit bleu et grand.
Comme un accord d'espérance, un sourire allongé,
Qu'il fasse plisser les yeux et parfumer le corps,
D'une chaleur de bonheur que rien ne peut détruire.


Et les glaces sur les terrasses,
Le praliné d'un pain au chocolat,
Les cafés du matin où ronronne les âmes,
Et les pianos chantants,
Et les jardins fleuris,
Les librairies, les chaudes lampes, les tapisseries,
Le bois ancien, les fauteuils bleus, les doux tableaux.

J'aimerais encore voir l'automne,
Octobre et les jardins de ses merveilles,
Ses feuilles oranges qui jonchent les sentiers,
Quand les rêvent frappent notre tête,
Et l'envie de redessiner la vie.


J'aimerais encore,
Tenir ma main dedans la tienne,
Sourire à ton sourire soleil,
Frapper l'écho de l'éternel,
Effleurer les épures bleus des papillons,
Et les tendres pissenlits quand on peut encore les souffler.


Que tout cela me soit accordé encore,
Que battent les veines de ma vie,
L'ébène de l'oubli,
Le livre des lits douillets,
Et le délit du silence.


Le moignon des ailes brisés refleuriront,
Quand viendra le printemps au bourgeon du matin,
La rosée douce liqueur au soulier des pieds nus,
Se fiancera à l'herbe dans un instant d'oubli.

Les montres deviendront perles, deviendront cygnes,
Deviendront montres molles, et se faneront à l'ombre,
Pour ouvrir le seuil d'un ciel sans minutes.